Saint-Jacques-de-Compostelle et le tombeau de l'apôtre
La découverte de la splendide église romane de Saint-Jacques-de-Compostelle n'est pas à priori évidente, comme l'a justement souligné Raymond Oursel, celle-ci étant confondue avec la "cathédrale-soeur" de Compostelle: "l'oeuvre romane a été si bien enveloppée de revêtements et d'adjonctions baroques que toute analogie disparait, à l'extérieur, entre les deux édifices."(1). Il faut donc se donner du temps pour en admirer toutes les merveilles, cet article ne pouvant prétendre les décrire. Imaginons seulement les impressions du pèlerin médiéval devant un spectacle aussi fabuleux. Et relisons le Liber Sancti Jacobi ( ou "guide du Pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle) qui décrit ainsi les accès à Saint-Jacques de Compostelle au XIIème siècle:
"Entre deux fleuves dont l'un s'appelle le Sar et l'autre le Sarela, s'élève la ville de Compostelle; le Sar est à l'orient, entre le mont de la Joie et la ville; le Sarela est à l'occident. La ville compte sept portes ou entrées. La première s'appelle porte de France; la deuxième, porte de la Peña; la troisième, la porte Au-dessous des frères; la quatrième, porte de Saint-Pèlerin; la cinquième, porte des Fougeraies qui mène au "Petronus"; la sixième, porte de la Susannis"; la septième, porte des Macerelli par laquelle la précieuse liqueur de Bacchus entre dans la ville".
A l'origine d'un des trois grands pèlerinages de l'Occident médiéval, dont le succès allait rivaliser avec Jérusalem et Rome se trouve la légende, élaborée entre le VIIème et le XIIème siècle, de la prédication en pays ibérique de l'apôtre Jacques. La tradition veut en effet situer la prédication et l'inhumation de Saint-Jacques le Majeur à l'extrême pointe de la Galice, dans le Finis Terrae, en face de la "mer des Britanniques". La légende peu à peu prend corps et se fonde en particulier sur une présumée découverte, entre 788 et 838, de reliques dont on considère qu'elles sont celles du compagnon du Christ.
Le culte de Saint-Jacques resta local jusqu'à la fin du IXème siècle et le premier pèlerin étranger qui soit signalé à Compostelle n'est autre que l'évêque du Puy, Godescalc, en 951. Alors que le pèlerinage s'organisait, notamment grâce à l'hébergement des routiers dans les monastères, les Sarrasins emmenés par Al-Mansûr, mirent à feu et à sang les pays chrétiens de la péninsule ibérique. En 997, la ville de Compostelle fut prise et la basilique fut mise à sac et rasée. A la mort d'Al-Mansûr (1002), sous la conduite du roi de Navarre Sanche le Grand, la Reconquête chrétienne assura la renaissance et l'essor du pèlerinage compostellan.
Dés le début du XIème siècle apparurent les premiers pèlerins Wallons, Flamands et Teutons, puis les Anglais et les Italiens arrivèrent à leur tour. Un évêque entreprenant, Diego Gelmirez, sut au XIIème siècle, convaincre la papauté de transférer à Compostelle le siège épiscopal de Mérida, tant que cette ville demeurerait sous domination musulmane et accéléra la construction de l'actuelle cathédrale romane, commencée autour de 1060 et achevée en 1128.(2)
C'est aujourd'hui dans cet édifice somptueux que continuent d'affluer de toute l'Europe mais aussi d'autres continents ( en particulier d'Amérique) de très nombreux pèlerins sans doute animés par des motivations sans commune mesure avec l'époque médiévale. Le tombeau de Saint-Jacques, sépulcre pour l'éternité, les attend, enveloppé de tout son mystère...(3)
(1) Raymond Oursel, Pèlerins du Moyen Age
(2) résumé extrait de l'ouvrage "De Vézelay à Saint-Jacques-de-Compostelle, C. Bélingard, Sud-Ouest, 2001
(3) voir par exemple "Les Chemins de Saint-Jacques de Compostelle", MSM, 1999, p 311