Orcival : la source dans la vallée
Parmi les grands sanctuaires du pèlerinage roman, la monumentale basilique Notre Dame d'Orcival est un vrai joyau, une perle rare incrustée dans cette vieille terre d'Auvergne où se sont installées des croyances ancestrales bien avant l'ère chrétienne. Située dans cette vallée verdoyante et resserrée où coule le Sioulet, Notre Dame d' Orcival a été construite pour le peuple de la montagne. Nous sommes ici au pays des volcans, extraordinaire alignement de cratères où se mêlent le tons rouille de la pouzzolane et le profond anthracite de la pierre de lave. Orcival est situé par ailleurs au carrefour des chemins de transhumance, qui conduisent les troupeaux jusqu'aux estives depuis la nuit des temps.
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Au commencement, il y avait une source. Orcival se dit Ourchaveau dans le dialecte occitan utilisé par les descendants des pâtres arvernes, ce qui veut dire "vallée de la source". Cette fontaine miraculeuse fut christianisée, comme cela s'est fréquemment produit à l'aube des temps mérovingiens. Première église, premières reliques, premières processions dont on perpétue encore le souvenir, chaque année pour l'Ascension. Un cortège de pèlerins, partant de la basilique, se rend pieds nus jusqu'à cet endroit connu sous le nom de "Tombeau de la Vierge": "La statue de la Vierge est alors recouverte d’un manteau de drap doré et des couronnes de cuivre doré serties de pierres précieuses sont apposées sur les têtes de la Vierge et de l’Enfant Jésus" explique Michel Rossi, auteur d'une remarquable notice sur cette étonnante basilique romane qu'on dit construite en pierre de Volvic, comme la cathédrale de Clermont-Ferrand.
Certains auteurs citent une chronique provençale du XIIIe siècle, qui indique qu'une relique de la Vierge aurait été apportée à Orcival en 378. D'autres mentions de reliques seraient également faites en 878, indiquant la provenance de Pont-l’Abbé. A cette époque fut construite une première église pour les abriter, mais elle fut rasée probablement par les envahisseurs normands.
Il est acquis que les comtes d'Auvergne, associés à l'évêque de Clermont, et soutenu par des vassaux, décidèrent faire édifier la basilique que nous voyons aujourd'hui au XIIème siècle. Un chapitre de chanoines est attesté en 1245. En 1385, la notoriété de Notre-Dame-d'Orcival s'était étendue à l'ensemble du royaume de France. Louis II, duc de Bourbon, vint lui offrir son pennon. Il le lui avait voué au siège de La Roche-Sennadoire, après avoir vaincu les Anglais.
Pour que cette église puisse perpétuer la tradition ancestrale du pèlerinage qui avait vu le jour dés le premier millénaire, il avait fallu en effet y adjoindre un trésor. Vers 1170, une Vierge en majesté, fut réalisée à Orcival. La statue est faite de bois de noyer recouvert dès l’origine de minces feuilles d’argent et de vermeil. Le modèle sur lequel fut réalisé la "Vierge en or" d'Orcival parait être une telle statue dorée commandé par l'évêque de Clermont en 946. Le visage est superbe, avec à la fois cette beauté hiératique des déesses égyptiennes et un sourire à peine esquissé qui la rend touchante et proche. Cette statue fut longtemps conservée dans la crypte, elle aussi particulièrement impressionnante sur le plan architectural.
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La pierre grise aux reflets violacés qui a permis de construire la basilique provient de Volvic, selon Raymond Oursel qui fait observer que la cathédrale de Clermont a elle aussi bénéficié du même matériau. On prêtera une attention particulière aux chapiteaux, avec une mention spéciale pour le "fol dives" ( expression qui signifie "le riche, ce fou", lequel est montré avec la bourse au cou, marque de son châtiment).
Autre détail important: une fontaine jaillissait jadis dans le fond du narthex, selon Michel Rossi. Il faut y voir une relation avec les nombreux miracles attribués à la Vierge d'Orcival comme ramener à la vie des enfants mort-nés, ce qui incombait auparavant à la source miraculeuse. Elle était implorée aussi pour la fécondité et de la grossesse, de la conception à la naissance. Enfin, une autre tradition est née à l'époque moderne cette fois: au fil des siècles la Vierge en or d'Orcival est devenue Notre-Dame-des-Fers. On cite plusieurs libérations miraculeuses de prisonniers innocents ou de bagnards délivrés par l’intercession de la Vierge d'Orcival. Les chaines et boulets accrochés en façade Sud en témoignent, rappelant notamment les miracles attribués au Moyen-Age à Saint-Léonard-de-Noblat en Limousin., patron des prisonniers.
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