Les croisés limousins à Antioche
Le siège d'Antioche (actuellement Antakya, dans le sud de la Turquie) est l'un des temps forts de la première croisade. Toute l'Armée y a pris part. Il commence en octobre 1097 pour s'achever à la fin du mois 1098. La ville est elle-même située sur un territoire escarpé qui forme une défense naturelle. Et une enceinte formée de 400 tours encercle de surcroît la citadelle! A l'arrivée des croisés la ville est gouvernée par un émir turc, Yâghi Siyân.
Le comte de Toulouse et l'évêque du Puy dressent leurs tentes au-devant de la "porte du Chien". On peut ainsi voir flotter les bannières des seigneurs Gascons, Provençaux, Bourguignons, Auvergnats, Limousins entre ladite "porte du Chien" et la "porte du Duc" ( la ville d'Antioche en compte cinq au total). Mais c'est le prince normand Bohémond qui joue un rôle majeur au sein de l'armée. Pour dissuader les espions qui informent les Turcs de tout ce qui se passe dans le camp chrétien, il n'hésite pas tout d'abord à faire rôtir les corps de certains musulmans "en laissant entendre qu'on allait les manger" (1).
Au moment où les Croisés s'installent devant Antioche, ils découvrent un pays prospère. Les arbres sont chargés de fruits, les vignes couvertes de raisins. De nombreuses fosses ou silos constituent des réserves de nourriture importantes. Mais les quatre divisions de l'armée chrétienne vont très vite mettre à mal notamment les vergers, en abattant les arbres à coups de hache pour se procurer du bois, bâtir des abris et construire des parcs pour les chevaux. La famine va rapidement régner et rendre extrêmement difficiles les conditions du siège.
La Sainte Lance, portée par Adhémar du Puy,
selon une enluminure du XIIIe siècle
(BL MS Yates Thompson 12, f. 29) note 4
Les musulmans mènent par ailleurs des attaques qui épuisent les assiégeants. Les croisés parviennent cependant à remporter une victoire réconfortante, dite du lac d' Antioche, le 9 février 1098. Cela leur assure deux ou trois mois de répit, en attendant de recevoir du renfort. Ils bâtissent deux nouveaux forts. Les soldats du Comte de Toulouse, et donc nos limousins, sont exposés à des tirs de projectiles par le passage du pont du Chien. Celui-ci sert à franchir les terrains marécageux du nord-est de la ville. La nuit, et même quelquefois le jour, la porte qui y correspond s'ouvre brusquement, le pont est alors investi par les Turcs qui "faisaient pleuvoir une grêle de projectiles sur les soldats du comte de Toulouse". Les moyens d'y répliquer sont quasiment nuls et "c'est ainsi que le comte Raymond, l'évêque du Puy et les chefs qui appartenaient a leur ost, perdirent en peu de jours plus de chevaux et de mulets que n'en avaient perdu, pendant le même temps, tous les autres corps de l'armée." (3)
Bohémond est celui qui va assurer le succès du siège. Une grande armée, envoyée par le sultan au secours des Turcs, est à proximité. Mais celle-ci perd du temps à Edesse où Baudouin la tient en échec. Les combats vont être d'une rare intensité, la famine s'installe de nouveau, et l'issue est incertaine. Mais un épisode merveilleux se produit: on retrouve providentiellement, sous le pavage de l'église Saint-Pierre "le fer de lance qui avait percé le flanc du Christ en croix". Et cette découverte rend confiance à toute la croisade, malgré les "hésitations du légat du pape et de Raymond de Saint-Gilles" précise l'historien Jean Richard.
Le chevalier limousin Goulfier de Lastours est également"mis en scène" dans la chanson d'Antioche par son biographe, le chevalier Béchade (2). Selon ce chroniqueur, il aurait pris part finalement à la victoire "miraculeuse" sur la grande armée turque de Karbûqua. Mais les historiens ont surtout retenu le nom de Bohémond. Il faut dire que le prince normand a fait preuve de grandes ruses, notamment en faisant croire aux Byzantins qui l'accompagnaient que des Francs de son armée en voulaient à sa vie. Les Byzantins se sont immédiatement enfuis! Bohémond a pu ensuite déclarer, qu'à cause de cet abandon il se libérait de son engagement de vassalité à l'égard de l'empereur byzantin. Et il se proclame prince d'Antioche, le 2 juin 1098, après huit mois de siège. Pour les Croisés, la porte de Jérusalem est pratiquement ouverte mais il faudra encore six mois de traversée du désert, tout au long de la Syrie, pour y parvenir.
(1) Jean Richard, Histoire des croisades
(2) J.F Gareyte, l'Aube des Troubadours (2007)
(3) J.F.A Peyré, Histoire de la première croisade
(4) Les croisades ( site dévellopé par Marc Carrier, Sherbrooke, Canada)