Richard Coeur de Lion affrontant Saladin: un mythe bien sûr !
Si vous avez la chance de vous rendre au British Museum, à Londres, vous trouverez bien en évidence, salle 40 ( Medieval Europe1050-1500), cette étonnante représentation d'un combat présumé que se seraient livrés Richard Ier, dit Coeur de Lion, roi d'Angleterre ( règne 1189-1199), et Saladin, sultan d'Egypte et de Syrie (1174-1193), qui s'était emparé du royaume chrétien de Jérusalem. En remportant effectivement la bataille d'Acre contre les troupes de Saladin ( 1191), Richard s'était ouvert le chemin de Jérusalem mais la ville ne fut pas reprise au sultan.
Mais la joute si spectaculaire n'a jamais eu lieu et sa représentation sur ce superbe carrelage artisanal exposé par le B.M. ne renvoie qu'à une pure fiction. La notice qui accompagne cette oeuvre postérieure de quelques décennies à la troisième croisade entreprise par Richard Ier ( aux côtés notamment du roi de France Philippe-Auguste) le précise clairement. L'oeuvre a été datée des années 1250-60. Elle a été réalisée en faïence vitrifiée et fut donnée au British Museum par le docteur H.M Shurlock.
A l'origine cette scène faisait partie d'une série de combats mettant en vedette des hommes et des lions. D'ailleurs le roi d'Angleterre Henry III ( règne 1216-1272) avait fait peindre cette même scène sur les murs de la chambre Antioche au Palais de Clarendon ( près de Salisbury dans le Wiltshire) dont il ne reste que des ruines. Mais on voit bien qu'il s'agissait d'une oeuvre de propagande destinée à glorifier la réputation de Richard, dit Coeur de Lion. Ce dernier incarnait à coup sûr un modèle pour la royauté chrétienne aux yeux de la monarchie anglaise.
Le surnom "Coeur de Lion" fut d'ailleurs donné à Richard Ier par le trouvère normand Ambroise qui composa notamment dés la fin du XIIème siècle un poème en relation avec la conquête d'Acre ( Estoire de la guerre sainte, rédigé en Français). Le Plantagenet y apparait toujours à la tête de ses hommes, prenant d'énormes risques, et perçu par son biographe comme le plus courageux des souverains. Il ne restait plus qu'à reproduire ce récit et à le diffuser grâce à "des professionnels de l'écriture en latin et de la chanson en français", selon la belle expression de l'historien Martin Aurell.