Le saint patron de Limoges représenté à Léon (Compostelle)
L'influence limousine dans l'ancienne capitale du royaume de Léon est visible dans un des lieux les plus emblématiques du Camino Frances: la basilique San Isidoro et son panthéon royal. C'est là que les pèlerins de la via Lemovicensis trouvaient sans aucun doute un grand réconfort spirituel, alors qu'ils cheminaient vers le sanctuaire galicien de Saint-Jacques-de-Compostelle. En effet, sur les peintures qui couvrent les murs et les voûtes de l'église, trône Saint-Martial, premier évêque de Limoges, représenté en "échanson". (1)
Saint Martial, l'échanson ( basilique San Isidoro, Léon) XI-XIIème s.
La datation exacte de ces peintures n'est pas rigoureusement établie. Selon des études récentes, elles auraient été réalisées peu de temps après l'édification du célèbre porche de Saint Isidore, formé de deux travées d'égales dimensions, divisées en trois nefs et couvertes par six voûtes d'arêtes. Ce porche, joyau de l'art roman, n'a pu être construit que sous le règne de Fernando I (1016-1065) ou au plus tard par sa fille Urraca. Il était destiné à abriter les tombes royales qui furent bêtement profanées par les troupes de Napoléon en 1808.
San Isidoro, Leon, pantheon royal, XIème s.
La référence à l'apostolicité de Saint-Martial prouve qu'à l'époque où furent réalisées les peintures, la légende inventée par un moine de Saint-Martial de Limoges ( Adémar de Chabannes, mort en 1034, Vita Prolixior) était prise au sérieux jusque dans ce lointain royaume de la péninsule ibérique. L'abbé honoraire de la basilique, Mr Antonio Viñayo, a récemment avancé une hypothèse sur cette promotion au rang d'apôtre du Saint Patron de Limoges. Selon ce passionné d'histoire sacrée, un tel rang apostolique aurait autorisé des chanoines limousins à faire partie d'un chapitre aussi prestigieux que celui de la basilique de Saint-Jacques de Compostelle qui compta jusqu'à 70 membres. Ce droit étant symbolisé par le port de la mitre.(2) On voit ainsi se dessiner, au delà des aspects religieux, une volonté "politique" manifestée par la puissante abbaye de Saint-Martial pour investir le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle et y faire rayonner son savoir-faire artistique (enluminures, émaux).
(1) échanson: littéralement, celui qui servait à boire à un roi, à un prince. La tradition remonte à la haute antiquité ( l'histoire de Joseph en Egypte en témoigne). Sous Charlemagne, le maître des échansons figurait parmi les hauts dignitaires de l'Etat. En l'espèce Martial est représenté sous les traits de celui qui était présent à la Cène au milieu des apôtres, officiant en tant qu'Echanson au repas du Jeudi Saint.