Depuis le XIIème siècle, le château de Bonneval (Coussac-Bonneval, Haute-Vienne) est resté dans la même famille. Celle-ci est considérée comme l’un des plus nobles du Limousin avec une expression ancienne qui en témoigne, faisant référence à une autre grande famille de la région :
« Richesse des Cars, noblesse de Bonneval »
La généalogie des Bonneval révèle de prestigieuses alliances dont au moins une avec la maison royale de Bourbon-Navarre. Pendant la Guerre de Cent Ans, plusieurs membres de cette illustre famille prirent cependant le parti de l’Angleterre. Ce fut le cas de Jean III, seigneur de Bonneval, qui se rangea avec ses frères dans le camp anglais, puisque le traité de Brétigny (1360) venait de les assujettir à l’Angleterre. Les Bonneval furent déclarés alors en France « ennemis et rebelles » et leurs biens meubles furent donnés au connétable Bertrand du Guesclin. Mais en en 1373, un autre Bonneval (Aymeric) rentra avec ses frères sous l’obéissance du roi de France Charles V. Toutefois en 1429 Jean IV de Bonneval prit encore le parti des Anglais au siège de Paris.
Mais ces engagements, tantôt dans le camp de la France, tantôt dans celui de l' Angleterre furent en fin de compte acceptés et compris par la suite. Et ce n'étaient que broutilles si l'on se réfère au scandale retentissant que suscita, au XVIIIème, le choix inattendu d'un Bonneval qui changea non seulement de patrie mais aussi de religion.
Le Pacha de Bonneval
Claude-Alexandre, comte de Bonneval, vit le jour en 1675 à Coussac, en Limousin. Il s'illustra tout d'abord sous le drapeau français, servant la marine puis l'armée de terre. Mais il fut disgracié par le ministre Chamillard et passa au service de l'Autriche. Il combattit sa patrie à Turin, en Provence et en Dauphiné. Il joua un rôle non négligeable à la bataille de Peterwaradin qui fut remportée contre les Turcs ( 1716). Mais son caractère, particulièrement trempé, et aussi ses écarts de langage à l'égard notamment de la gent féminine lui valurent encore des déboires et il fut de nouveau disgracié, cette fois par le Prince Eugène. Il se réfugia alors en Turquie, prit le turban, fut fait pacha sous le nom d'Ahmet et combattit les Autrichiens. Dans une lettre adressée au marquis de Bonneval, son frère, il justifia sa conduite. Venant d'être arrêté par un officier allemand, il était promis à une captivité en Autriche qu'il redoudait: « Ce fut alors, écrit-il, que je quittai le chapeau pour le turban, qui seul pouvait me sauver. Vous jugerez bien, ajoute-t-il, qu'un homme aussi déterminé que moi n'aurait pas at tendu, pour se faire Turc, le moment où on allait le livrer aux Autrichiens, si tel avait été mon dessein en passant dans les Etats du sultan ; mais je me serais fait diable, plutôt que de me voir à la merci de l'Empereur d'Allemagne. » (2) Il mourut en 1747 à Istanbul où il fut enterré dans un couvent de moines turcs. On lisait notamment sur sa tombe (1), en turc: « Que le Paradis soit l'endroit du repos de Bonneval-Ahmet, pacha mort le 12 de la lune de Rébiewiél, 1160 ( le 23 mars 1747)." A Coussac-Bonneval, une rue porte aujourd'hui son nom et la "chambre du Pacha" se visite au château.
(1) la tombe se situait au couvent de Mewlewi (derviches tourneurs) dans la grande rue de Péra
( Constantinople et la Mer Noire, par Joseph Méry, 1855, p 448)
(2)Biographie universelle, par J.F.Michaud et L.G. Michaud, 1855