Compostelle: Aurillac sur le chemin auvergnat
Les quatre routes qui menaient à Saint-Jacques de Compostelle, telles que décrites par le Codex Calixtinus, laissent à l'écart un certain nombre de sanctuaires qui jouèrent pourtant un rôle majeur dans la promotion du pèlerinage galicien. Parmi ces abbayes de grand renom figure celle d'Aurillac, capitale de la Haute-Auvergne, sur les rives de la Jordanne. Car il est admis par des historiens contemporains qu'une variante de la Via Lemovicensis devait s'écarter de l'itinéraire "principal" à Nevers, passant par Souvigny- une des cinq "filles" de Cluny-, rejoignant Orcival, Issoire, Sauxillanges, Brioude et Aurillac.(1)
Saint Géraud
L'abbaye d'Aurillac fut fondée en 894 par le Comte Géraud. Celui-ci était né en 855 d'un comte limousin qui portait le même nom que lui, et dont le père, Gérard, comte d'Auvergne, tué en 841 à la bataille de Fontenet, au service de Charles-le-Chauve, avait épousé Mathilde, fille aînée de Pépin , roi d'Aquitaine. Il comptait ainsi parmi ses ancêtres maternels Louis-le-Débonnaire,Charlemagne et Guillaume d'Aquitaine (fondateur de Saint Césaire d'Arles). (2)
clocher de l'église Saint Géraud d'Aurillac ( restaurée)
A sa mort ( vers 916-920), le comte Géraud fut inhumé dans son église d'Aurillac qui venait d'être consacrée et qui reçut son vocable. Les pèlerins défilèrent de plus en plus nombreux devant son tombeau où trônait une statue en or du saint. Celle-ci, signalée en 1013 par Bernard d'Angers, disparut à l'époque des guerres de religion. Conséquence logique de sa notoriété grandissante, Saint-Géraud fut "exporté" sur les chemins de Compostelle jusqu'au Mont Cebreiro. En effet, le roi de Leon et Castille Alphonse VI(1065-1109) donna à l'abbaye Saint-Géraud d'Aurillac ce prieuré situé aux confins du Bierzo et de la Galice, dans le nord de la pénisule ibérique sur le Camino Frances. Plus tard, Cluny s'en empara et finalement Cebreiro fut rattaché à Valladolid en 1487, toujours sous l'égide de l'abbaye bourguignone.
chapiteaux et inscription de l'hospice d'Aurillac (XIIème s.)
La ville d'Aurillac a su mettre en valeur le patrimoine historique associé à Saint-Géraud. Le château Saint-Etienne, habité par ses parents, a été modifié notamment au XIXème siècle, évoquant le Palais de Papes d'Avignon. L'église Saint Géraud, qui aurait été consacrée en 1095 par le pape Urbain II ne conserve aujourd'hui de la période romane que certains éléments du chevet et du transept. L'hôpital abbatial Saint-Géraud, quant à lui, est daté du XIIème siècle. Il conserve de remarquables chapiteaux à entrelacs dits de l'école d'Aurillac. Une inscription latine apporte un éclairage sur la vocation hospitalière de l'établissement. A voir aussi les coquilles jacquaires qui ornent la maison consulaire. Ces attributs du pèlerinage en Galice rappellent l'existence à Aurillac d'une puissante confrérie médiévale qui recommandait le voyage à Saint-Jacques de Compostelle.
façade de la maison consulaire à Aurillac
Les pèlerins aurillacois ont également laissé en héritage la " Grande Chanson des Pélerins de Saint-Jacques" qui est composée en forme d'itinéraires. Une version particulièrement ancienne (sans doute XIV° siècle) a été rédigée en occitan. Jan Dau Melhau (auteur et chanteur occitan) en fait une interprétation très réaliste. Ecoutez la chanson ici.
(1) Les Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle,MSM, 1998
(2) J.-Henri Pignot, Histoire de l'Ordre de Cluny (909-1157), volume 1. Le grand abbé de Cluny, Odon, est en effet l'auteur d'un Vie de Saint-Géraud